« Qui se ressemble s’assemble » ou encore « les opposés s’attirent » voici deux adages contradictoires qui ont vite fait de nous laisser perplexes !
Vous êtes-vous déjà demandées comment nous choisissions notre partenaire amoureux dans un couple musulman ?
Est-ce que nous tendons plutôt vers la recherche de similarité ou de complémentarité ? Comment tout ceci peut-il, ensuite, influencer la qualité de la relation de couple ?
C’est ce que nous allons tenter de voir dans cet article consacré à la théorie de l’attachement appliquée à la psychologie du couple musulman. Que tu sois célibataire ou mariée, cet article est pour toi !
1) Le style d’attachement : quésaco ?
À votre avis, que pourrait bien vouloir dire « style d’attachement » ? (réfléchissez-y quelques secondes…).
Ce terme renvoie en fait à ce qu’on appelle en psychologie : la théorie de l’attachement de John Bowlby*, un médecin psychiatre britannique du XXème siècle.
Vous n’êtes pas plus avancées ?
En fait, la théorie de ce cher Bowlby est plutôt simple. Il pense qu’une bonne relation parent/enfants assure la sécurité et le bon développement de l’enfant. Malheureusement, cette relation n’est pas toujours optimale. Elle peut être de différents types. Ces types de relations sont appelés « style d’attachement » pour Bowlby.
Nous nous concentrerons ici sur les trois principaux (et c’est déjà pas mal).
Le style sécure
C’est la situation idéale. Dans celle-ci, la mère répond de manière adaptée aux besoins de l’enfant. Lorsqu’il a peur ou qu’il souffre, elle reconnaît l’expression de ses besoins et le réconforte jusqu’au retour au calme. L’enfant se sent donc en sécurité.
Par exemple : un enfant pleure car il a perdu son doudou. Sa mère prend en compte sa tristesse et sa peur, le console et l’aide à retrouver le doudou.
Le style insécure anxieux
Dans ce style d’attachement, les soins et l’attention de la mère envers l’enfant sont moins automatiques. Elle se montre parfois indisponible et incohérente allant même jusqu’à rejeter l’enfant notamment lorsqu’il vit une situation stressante.
Par exemple : un enfant pleure car il a perdu son doudou. La mère s’amuse de cette situation ou minimise l’émotion de son enfant.
Le style insécure évitant
Ici, la mère rejette de manière régulière son enfant. Elle est indisponible émotionnellement et évite les interactions avec lui.
Par exemple : un enfant pleure car il a perdu son doudou. La mère l’ignore jusqu’à ce qu’il se calme seul.
Plus précisément, deux mères ayant développé le même style d’attachement avec leur enfant peuvent le faire pour des raisons très différentes et à des degrés très différents.
Par ailleurs, le style de relation s’établit souvent sans que l’on ne s’en rende compte et l’idée n’est pas d’opposer les bonnes VS les mauvaises mères.
2) Quelles seraient les répercussions dans le couple une fois adultes ?
Selon le psychiatre Bowlby, lorsque la relation est sécure, l’enfant comprend que ses parents sont disponibles pour lui et qu’il est digne d’être aimé.
En cas d’attachement insécure, l’enfant pourra développer des failles dans sa capacité à donner et à recevoir de l’amour. Il pourrait ensuite rechercher constamment l’amour des autres et avoir continuellement peur de le perdre.
Mais ce n’est pas tout ! Il se trouve que ces styles d’attachements nous poursuivraient jusqu’à l’âge adulte (eh oui !).
Selon plusieurs études, ils influenceraient grandement la qualité de la relation de couple. Voici quelques exemples :
Attachement insécure anxieux
Imaginez une femme qui ne supporte pas que son époux passe du temps avec ses amis. Alors qu’il va manger chez l’un d’eux, une crise de jalousie éclate : « De toute façon tu ne m’aimes pas. Tu n’as pas envie de passer du temps avec moi. J’ai pourtant fait tous les efforts nécessaires pour que tu te sentes bien à la maison mais rien n’a faire, tu sors ce soir ! »
Ça vous dit quelque chose ?
Ici, on pourrait supposer que cette femme a eu un style d’attachement anxieux pendant l’enfance. Dans sa relation de couple, elle semble rechercher constamment le contact et l’approbation du partenaire. Elle a également l’impression qu’elle doit mériter son amour et fait beaucoup d’efforts pour y avoir droit. Ainsi, être rassurée et avoir des preuves de l’amour de l’autre est fondamental pour elle sinon, elle ne se sent pas aimée. Ces caractéristiques seraient plutôt féminines que masculines (êtes-vous étonnées mesdames ?).
Attachement insécure évitant
Imaginiez que votre époux ait une attitude qui vous blesse. Vous essayez de lui en parler à maintes reprise mais il évite toujours le sujet. Il minimise, ironise, change de sujet. Vous avez l’impression qu’il n’a aucune empathie et qu’il ne vous écoute pas ! Vous ne savez même pas ce qu’il en pense puisqu’il se contente de faire des blagues, inlassablement, ou de rester silencieux lorsque vous évoquez ce sujet. Vous ne comprenez pas son incapacité à communiquer. Eh bien il se pourrait peut-être que votre époux ait un style d’attachement insécure évitant. Cela pourrait se traduire par la tendance à instaurer une barrière pour se protéger dans son couple mais aussi par de l’ambivalence, des comportements méprisants, une volonté de se débrouiller seul, de garder une certaine distance et un certain contrôle de ses émotions.
3) Comment le style d’attachement influencerait notre choix du partenaire ?
Si vous avez bien suivi jusqu’ici, vous devez peut-être vous dire : « OK c’est bien beau tout ça mais alors, qu’est-ce qui est vrai entre “Qui se ressemble l’assemble” ou “Les opposés s’attirent” » dans la psychologie du couple musulman ?
Nous y arrivons…
D’après plusieurs études en psychologie, lors du choix des partenaires, il y aurait 3 options :
La similarité
Nous aurions tendance à rechercher un partenaire qui nous ressemble au niveau du style d’attachement. Si vous avez eu une bonne relation avec vos parents, vous devriez avoir tendance à être attiré par un partenaire qui a connu la même chose.
La complémentarité
Ici, pour combler un besoin profond, nous aurions tendance à rechercher un partenaire d’un autre style d’attachement. Par exemple, si votre relation avec vos parents était de type insécure anxieux, vous pourriez avoir la crainte que votre partenaire vous quitte car vous ne vous sentez peut-être pas digne d’être aimé. De ce fait, vous pourriez rechercher un partenaire insécure évitant qui donnera raison à vos craintes à travers sa façon de se comporter : silence, évitement des discussions, manque d’empathie, etc.
La sécurité
Selon cette hypothèse, chacun des partenaires aurait tendance à se diriger vers une personne plus sécure qu’elle-même.
Désolée de vous décevoir mais les chercheurs ne sont pas tout à fait d’accord entre eux pour dire laquelle de ces 3 hypothèses est la plus vraie. Selon Gustave-Nicolas Fischer* (2020), professeur de psychologie sociale, « la similitude et la complémentarité interviennent chacune pour une part dans toute relation ». Différents éléments vont donc conduire les individus à chercher parfois ce qui les différencie, parfois ce qui les rassemble.
4) Peut-on appliquer cette théorie au couple musulman ?
En lisant tout ceci, peut-être vous demandez-vous : comment appliquer cette théorie au mariage musulman alors que nous ne nous fréquentons pas et que nous nous rencontrons dans un cadre très précis : la mouqabala ? C’est la question que certaines psychologues musulmanes se sont posées. Au cours de leur échange, quelques hypothèses principales sont ressorties.
Et si on pouvait percevoir l’attachement de l’autre pendant la mouqabala ?
Les soeurs qui arrivez à la mouqabala avec une liste de questions digne d’un profilage FBI : on vous connaît. (D’ailleurs, on est aussi de cette team. On vous a même préparé un guide offert avec une looongue liste de questions que vous pourrez télécharger ci-dessous)
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Revenons à nos moutons ! Peut-être que pendant la mouqabala, sans que l’on ne s’en rende compte, certains détails pourraient nous attirer ou non chez l’autre, en fonction de son style d’attachement : sa façon d’être, d’exprimer ses émotions, son assurance, son écoute, etc.
Et si dans la psychologie du couple musulman, d’autres éléments compteraient plus que le style d’attachement ?
Allah ﷻ, dans son infinie miséricorde, nous a donné des prescriptions claires. Dans la traduction approximative de Ses Versets, Il nous dit :
« Et parmi Ses signes Il a créé de vous, pour vous, des épouses pour que vous viviez en tranquillité avec elles et Il a mis entre vous de l’affection et de la bonté. » (Sourate 30, V.21)
Il nous dit aussi :
« Et comportez-vous convenablement envers elles » (Sourate 4, V. 19)
Ainsi, notre volonté d’œuvrer pour la satisfaction d’Allah ﷻ et de s’améliorer pourrait être encore plus importante que notre style d’attachement dans un couple musulman.
Ce travail sur soi amènerait notre style d’attachement à évoluer positivement (heureusement, tout n’est pas figé !).
Un autre élément qui permettrait de faire évoluer positivement le couple musulman serait que chaque partenaire exprime ouvertement ses besoins afin que l’autre s’ajuste et que la relation soit plus équilibrée et qualitative.
Autrement dit, dans la psychologie du couple musulman, le djihad an-nafs et la bonne communication dans le couple pourrait être plus important que le style d’attachement de base selon la réflexion des psychologues musulmanes.
Et si finalement, c’était l’attachement à Allah ﷻ qui comptait plus que tout autre attachement ?
Nous nous marrions pour plusieurs raisons, mais principalement pour la satisfaction d’Allah ﷻ. En tant que femmes musulmanes, nous savons que Lui seul est capable d’apaiser toutes nos peurs, nos craintes, de combler nos besoins et de réaliser nos rêves (ça ne nous dispense pas des causes hein !).
En améliorant notre relation avec Allah ﷻ et notre confiance en Lui, nous pouvons ainsi changer la donne dans notre couple et ne pas chercher à ce que le partenaire comble tous nos besoins et guérisse toutes nos blessures, alors qu’il n’en est pas capable.
Tout ceci peut rendre la relation plus saine et équilibrée. C’est à Allah ﷻ que nous demandons d’abord, puis nous faisons les causes et nous communiquons avec notre partenaire pour trouver un équilibre où chacun se sent bien (ça à l’air un peu idéaliste mais ne faut-il pas être ambitieuse ?).
Pour conclure
Bien qu’elle ne soit qu’une théorie, la théorie de l’attachement peut offrir une manière intéressante de voir les choses.
Certes, on sait aujourd’hui que les premières années de vie sont cruciales dans le développement d’un être humain.
En d’autres termes, l’enfance est un moment très important qui a eu une grande influence sur les femmes musulmanes que nous sommes aujourd’hui et sur notre rapport au mariage que l’on soit célibataire ou mariée.
Oui MAIS… rien n’est gravé dans la roche.
Nous pouvons faire évoluer les choses et Allah ﷻ nous incite à nous améliorer tout au long de notre vie. Si nous avons des fragilités dans notre capacité à donner et à recevoir de l’amour, il est possible de travailler sur soi en s’attachant plus encore à Allah ﷻ puis en se faisant accompagner par une psychologue musulmane.
Rien ne sert, en revanche, de se transformer en profiler pour essayer de TOUT analyser chez les prétendants (leur style d’attachement, leurs traumas, leur rythme cardiaque et leur fréquence respiratoire tant qu’à faire) pour être SÛRE de faire le bon choix.
Nous n’avons pas le contrôle sur tout. Nous devons être vigilantes évidemment, faire les causes pour faire les bons choix (mouqabala, enquête, prière de consultation etc.) et se lancer avec tawakul (confiance parfaite en Allah et une confiance en Lui seul).
Nous arrivons tous dans notre vie maritale avec nos épreuves de vie passées et présentes. Le but n’est pas de chercher à ce que l’autre répare tout en nous.
Le but n’est pas, non plus, de se servir des fragilités du partenaire pour lui nuire.
Un objectif plus louable serait de s’entraider à se rendre compte de ces fragilités et à cheminer vers Allah ﷻ pour atteindre la paix.
Allah ﷻ n’a-t-il pas dit (dans la traduction rapprochée du sens du verset) :
« Elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles » (Sourate 30, V. 21)
Ainsi, s’intéresser au passé du futur partenaire est plus que pertinent et permet de savoir « où on met les pieds ». En revanche, attention à ne pas chercher à tout contrôler ! Wa Allahu A3lem (Et Allah sait mieux).
Et toi, est-ce que tu penses qu’on choisit plutôt quelqu’un qui nous ressemble ou quelqu’un qui nous complète ? Dis-le nous en commentaire !
*Nous remercions Salma, étudiante en Master 2 de psychologie pour nous avoir partagé ses travaux sur la théorie de l’attachement et la Stagiaire Psychologue Sirine Sassi pour sa contribution sur cet article.
Sources :
*Bowlby, J. (1978). Attachement et perte : Vol. 1 L’attachement ; Vol. 2 Séparation, angoisse et colère ; Vol. 3 La perte, tristesse et séparation. Trad. fr. J. Kalmanovitch, Paris : PUF. **** *Fischer, G. (2020). Chapitre 2. La relation sociale. Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale – 6e éd. (pp. 41 -74). Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.fisch.2020.01.0041.
Erva
14/11/2024Tellement intéressant et bien expliqué ! J’ai adoré, ça m’a ouvert l’esprit pour beaucoup de choses. BarakaAllahoufik pour cette rédaction captivante !
Mapsymusulmane
14/11/2024Wa fiki baaraka ALLAAH. Nous sommes ravies que cet article t’ai plu. Merci pour ton retour 💙